Jardin Ludovic Bonin : ouvert à tous… mais pas trop, et un élu de la majorité mécontent

Il était une fois un petit square de quartier, traversé paisiblement par les habitants, les enfants, les promeneurs, et même, parfois, un conseiller (PS) municipal de la majorité. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, bienvenue dans un “espace de vie intergénérationnel sécurisé” – ou comment un parc public devient privé, avec des bancs, des poules, et un débat municipal à la clé.

C’est sous un soleil complice que le maire de Vénissieux a inauguré un projet aussi verdoyant qu’ambitieux : la transformation d’un parc public en havre de paix pour les seniors. L’ancien square de 1 906 m², jadis traversé sans remords par les riverains, a été réaménagé à grands frais – 95 000 euros tout de même, dont 39 500 généreusement offerts par la CARSAT Rhône-Alpes.

Au menu ? Bancs à l’ombre, coin détente, potager bio, terrain de pétanque, jardin des senteurs, et même un poulailler. Il ne manque plus qu’un distributeur de camomille pour boucler la boucle du bien-être. “Un petit coin de bonheur au quotidien”, selon les mots du maire. Sauf, peut-être, pour ceux qui ne peuvent plus y mettre les pieds.

Un parc “ouvert à tous”, mais surtout à ceux à qui on l’ouvre

Car si le discours est parfumé à la lavande de l’inclusion, le fond sent un peu la barrière cadenassée. Officiellement, le parc est « ouvert à toutes et tous ». Dans les faits ? Il est réservé aux résidents Aux résidents des deux maisons de retraite, aux usagers de l’accueil de jour, aux personnes âgées isolées… et accessoirement, aux familles “du quartier” – si elles arrivent à franchir les portails, les horaires, ou les bonnes grâces des gardiens.

C’est là que le ton monte. Jeff Ariagno, conseiller municipal (PS) et riverain du square, n’a pas mâché ses mots. Dans un article du Progrès, est mécontent car il avait par habitude de « passer plusieurs fois par jour » par ce jardin. On comprend sa frustration : difficile de renoncer à son raccourci favori, surtout quand il mène droit à une polémique bien ficelée.

Ce n’est pas la première fois que Jeff Ariagno sort les griffes. Lors d’un conseil municipal récent, il avait déjà secoué l’assemblée en dénonçant des « accusations mensongères » lancées par un opposant, qu’il avait sobrement qualifié de « mangeur de caca ». Une formule qui, à défaut d’élever le débat, aura au moins marqué les esprits – et peut-être aussi fertilisé les futurs parterres du jardin.

Mais derrière les saillies verbales, une vraie question : à qui appartient l’espace public ? Est-ce encore un parc communal quand son usage devient conditionné ? Et faut-il désormais cocher 65 ans et plus pour pouvoir y flâner ?

Bien vieillir, oui. Mais pas seuls sur les bancs.

Le projet municipal part d’un bon sentiment – personne ne conteste la nécessité de penser des lieux adaptés aux seniors, dans une société vieillissante. Mais l’art de la ville consiste justement à faire coexister les générations, sans dresser des murs invisibles entre elles. Ce parc aurait pu être un carrefour. Il devient, pour certains, un îlot réservé.

Et c’est peut-être là le plus grand paradoxe de ce petit coin de bonheur : à force de vouloir tout sécuriser, ne risque-t-on pas d’exclure ceux qui faisaient justement la vie de ces lieux ?

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