
Vénissieux, devant l’IKEA, un homme dort sur le béton. Il s’appelle Jean-Pierre. Il a une chienne, un duvet, et cette dignité tenace de ceux qui n’ont jamais rien demandé à personne. Il n’a pas fui une guerre. Il n’était pas en errance. Il vivait dans un camping-car, qu’il avait acheté avec ses économies, en attendant une retraite bien méritée.
Aujourd’hui, il vit dehors. Pas par choix. Par procédure.
Son histoire, racontée dans le Progrès puis dans un édito de LyonMag signé par Farid BenMoussa, conseiller municipal d’opposition à Vénissieux, en dit long et parle d’une dérive d’une gestion municipale froide et déshumanisée. Derrière les mots engagés de l’élu, se cache une réalité brutale.
Une panne, une fourrière, et plus de toit
Tout commence l’été dernier. Le camping-car de Jean-Pierre tombe en panne. Il le gare à proximité d’un garage, en attendant des pièces pour le réparer. Mais faute de place sur le parking du réparateur, il stationne sur un boulevard. Il dort à bord.
La suite est d’une froideur chirurgicale : la police municipale déclare le stationnement “dangereux”, le véhicule est enlevé. Une lettre est envoyée à une adresse ancienne, dans un autre département. Et comme Jean-Pierre, sans ressources, ne peut payer l’amende ni contester dans les délais, son véhicule est considéré comme abandonné. Il est envoyé aux domaines. Vendu. Sans appel.
Jean-Pierre, lui, n’a plus rien. Son seul refuge, parti en quelques semaines. Sa dignité, elle, tente de survivre, tant bien que mal, sur le trottoir.
Quand l’administration écrase les existences
Ce drame n’est pas une exception. Il est le symptôme d’un mal plus profond : une bureaucratie qui applique les règles sans discernement humain. Jean-Pierre n’a pas triché. Il n’a agressé personne. Il n’a jamais mendié. Il vivait sobrement, à la marge, mais pas aux dépens des autres.
Et c’est peut-être cela, au fond, qui dérange : il n’entrait pas dans les cases. Ni « réinséré », ni « demandeur d’aide », ni « victime officielle ». Juste un homme qui voulait vivre simplement. Et pour cela, il a été évincé.
Ce que pointe aussi l’édito du conseiller municipal d’opposition, c’est le mutisme de la municipalité face à cette situation. Selon l’élu pas un mot de la maire communiste Michèle Picard. Pas une main tendue, ni même un geste symbolique. Pourtant, c’est bien dans sa ville que Jean-Pierre dort sur le béton, pendant que d’autres dorment tranquilles dans leurs bureaux climatisés. Mais Jean Pierre n’est pas le seul dans cette situation, les vénissians constatent une recrudescence de personnes sans toit, ne trouvant comme refuge pour dormir, que l’espace public, et certains dans des espaces privés.
Et ce silence n’est pas anodin. Il dit beaucoup d’une manière de gouverner : en effaçant les problèmes au lieu de les résoudre. En appliquant les règlements au lieu d’exercer un vrai pouvoir politique, humain, responsable. Parce qu’au fond, gérer la misère, c’est choisir. L’ignorer aussi.
Une histoire à ne pas laisser passer
Jean-Pierre n’est pas un marginal. Il est un symbole. Celui d’une société qui élimine les faibles au lieu de les aider. D’une ville où la pauvreté est traitée comme un désagrément, pas comme une urgence sociale.
Alors ne laissons pas cette histoire disparaître dans le flot de l’actualité. Ne banalisons pas la violence silencieuse de l’exclusion administrative. Et rappelons qu’on juge une société à la manière dont elle traite ceux qui n’ont plus rien.
Soyez le premier à commenter