Depuis près de 80 ans, Vénissieux, cette ville de la métropole lyonnaise, a été un véritable bastion communiste, un symbole d’une idéologie que beaucoup considéraient autrefois comme inébranlable. Avec ses 65 000 habitants, la ville s’est longtemps accrochée à une vision du monde teintée de rouge, fière de son héritage militant, portée par le slogan « Ville belle et rebelle ». Mais le temps n’est plus aux certitudes. La France Insoumise (LFI), avec ses promesses de renouveau, serait-il le parti en embuscade pour détrôner les communistes locaux et conquérir ce territoire historique. Et l’ironie est frappante : ce n’est pas En Marche de Macron qui menace, mais un parti qui se veut peut-être encore plus à gauche que le communisme lui-même. Un comble pour ceux qui ont toujours défendu les couleurs de la faucille et du marteau.
La montée en puissance de LFI ne peut être ignorée, surtout depuis la performance de son candidat Idir Boumertit lors des dernières élections législatives. Sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire (NFP, ex-Nupes), M Boumertit a recueilli 75,21% des voix au second tour à Vénissieux et 60,32% sur la 14ème circonscription du Rhône, tout en menant une campagne relativement discrète. Ce succès électoral, impressionnant en apparence, révèle un fait bien plus troublant pour les communistes : leur base électorale historique se rétrécit. Les « vieux camarades » disparaissent ou se détournent, tandis qu’une génération plus jeune et plus sensible aux thématiques portées par LFI – en particulier la défense de la cause palestinienne – commence à redéfinir la gauche locale.
Les communistes, eux, seraient-ils impuissants face à cette érosion ? Un refus d’alliance avec La France Insoumise pourrait bien signer leur arrêt de mort politique et risquerait de se voir dépossédés de ce qui semblait être leur forteresse imprenable. Cette fracture interne à la gauche pourrait non seulement diviser leur électorat, mais surtout offrir sur un plateau la ville à LFI lors des municipales de 2026. Il est presque tragique de constater que ceux qui ont bâti leur force sur l’unité prolétarienne pourraient aujourd’hui périr par l’éparpillement de leurs propres partisans.
L’éventuelle victoire de LFI à Vénissieux pourrait être interprétée comme un coup fatal porté aux derniers bastions du communisme municipal. Ce serait une véritable humiliation pour une formation politique qui, jadis, régnait sans partage sur de nombreuses villes ouvrières. En d’autres termes, Vénissieux, bastion de la « vieille gauche », serait peut-être sur le point d’être emporté par une gauche soi-disant plus moderne, mais qui n’est, au fond, qu’une version réactualisée du radicalisme, parée des habits du populisme. Les communistes ont longtemps clamé leur ancrage local, leur proximité avec les luttes populaires, mais ces arguments semblent de moins en moins convaincre une population en quête de nouvelles réponses, voire de nouvelles figures.
Néanmoins, tout n’est pas encore joué. Malgré la montée en puissance de La France Insoumise, des éléments perturbateurs demeurent. La participation électorale, historiquement faible à Vénissieux, pourrait à nouveau jouer un rôle crucial. Si LFI bénéficie de l’enthousiasme d’une partie de l’électorat, cet engouement reste fragile face à un électorat traditionnellement sceptique envers les grands bouleversements. De plus, les rivalités internes à gauche – qu’il s’agisse de dissidences communistes ou de critiques émanant de franges plus modérées – pourraient affaiblir le momentum insoumis.
Il faut aussi rappeler que LFI n’est pas exempte de critiques. Sous des airs de renouveau, elle reproduit parfois les mêmes erreurs que celles qu’elle reproche aux communistes : personnalisation excessive du pouvoir, dogmatisme, et incapacité à créer un réel consensus durable au sein des forces progressistes. Si la chute des communistes à Vénissieux peut être envisageable voire probable, il n’est pas garanti que LFI soit en mesure de capitaliser sur cette désintégration sans heurts. Le paysage politique vénissian pourrait basculer, mais dans quelle direction, cela reste encore flou.
Une chose est cependant certaine : la « forteresse rouge » est désormais sur la défensive, et l’avenir de Vénissieux est incertain. Que cela soit un nouveau chapitre pour la gauche ou la fin d’une époque, cette bataille pourrait bien marquer un tournant historique non seulement pour la ville, mais aussi pour l’identité politique de toute une région. LFI, malgré ses promesses de renouveau, devra prouver qu’elle n’est pas qu’une simple vague passagère, prête à s’écraser contre les rochers d’une désillusion à venir. Les communistes, quant à eux, se retrouvent face à une lutte pour leur survie, avec pour enjeu leur propre existence politique dans une ville qui les a portés pendant près d’un siècle.
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