
C’est devenu un rite à Vénissieux : les oiseaux chantent, les bourgeons éclosent, et Michèle Picard, maire communiste, signe ses arrêtés municipaux contre les expulsions locatives, les coupures d’énergie et les saisies mobilières. Et, comme chaque année, le Tribunal administratif les suspend avec la régularité d’un métronome.
Car oui, les années passent, les juges changent peut-être, mais le verdict reste le même : ces arrêtés sont illégaux. Cela fait des décennies que ça dure. Le scénario se répète inlassablement : arrêtés, contestations, suspensions… et Michèle Picard, toujours en scène, comme si le rideau ne tombait jamais.
Dans son édito mis en ligne sur son site, Mme Picard défend sa démarche avec passion, estimant porter un combat pour une « vie digne ». Elle dénonce l’inaction de l’État, réclame d’être informée à l’avance des expulsions, et s’indigne que ses arrêtés soient retoqués. Le ton est grave, les mots sont forts… mais le droit, lui, reste implacable.
« Une décision injuste, incompréhensible et contradictoire ! » écrit-elle avec vigueur, comme si c’était la première fois que la justice lui donnait tort. Spoiler : ce n’est pas le cas.
Le Tribunal administratif, lui, est clair : « le Maire n’a pas compétence pour définir les modalités selon lesquelles l’État entend prêter le concours de la force publique à l’exécution de décisions de justice, à une obligation de transmission d’information faisant ainsi obstacle à l’exécution des décisions de justice, dont les autorités de l’État sont les seules investies. ». Point final. À force de jouer au bras de fer avec le droit, on finit par se faire mal aux poignets.
Et pourtant, rien ne change. Les arrêtés sont repris, les tribunaux tranchent, la communication s’emballe… et les expulsions ont toujours lieu, sans que ces textes symboliques n’aient jamais empêché quoi que ce soit.
Car ce combat, aussi sincère soit-il, mérite mieux que des arrêtés de pure forme, sans portée juridique. Il mérite des solutions concrètes, durables, sérieuses — pas une gesticulation municipale annuelle qui finit systématiquement au tribunal.
Oui, les expulsions sont souvent des drames humains, des traumatismes réels pour les locataires concernés. Mais leur éviter ces situations nécessite autre chose que des textes invalidés à la chaîne : accompagnement social, relogement effectif, prévention de l’endettement, négociation avec les bailleurs…
Bref, moins de symboles, plus d’actions concrètes. Le combat pour une « vie digne » mérite mieux qu’une énième défaite juridique annoncée. Et Vénissieux aussi.
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